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De si beaux bretons

Il y a des oeuvres qui laissent une empreinte pour toujours à l’Atelier. Certaines pour leurs esthétiques, d’autres par le défi de conservation qu’elles représentent. D’autres encore pour les découvertes qu’elles engendrent.

 

Nettoyage et découverte.

Une petite huile sur carton m’est apportée en septembre 2021, à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine.
Soyons honnête l’oeuvre est tellement encrassée et son vernis si oxydé qu’il est impossible de l’apprécier. Pourtant l’oeuvre pose déjà question. Pourquoi un cadrage si serré sur un groupe de personnage ? Pourquoi le choix d’un carton comme support ? Est-ce un travail préparatoire à une huile sur toile de plus grand format ?

Le constat d’état de l’oeuvre met en avant un support déformé par le poids de la peinture que l’artiste a travaillé en demi-pâte et empattements. Les tranches du carton se desquament, il faudra réaliser des injections d’adhésif.
La couche picturale, elle, a plutôt été épargnée par le passage du temps. Pas de lacunes, pas d’écailles de peinture et un réseau de craquelures presque inexistant. Mais alors quel aspect de surface ! L’oeuvre semble recouverte d’un voile noir. Les observations sous U.V. révèlent un vernis appliqué succintement et de façon hétérogène. En témoigne les coulures en partie centrale supérieure. Mais ce que permettent surtout les U.V. s’est la lecture d’une signature…

 

”Ch Cottet” et une date.

Comme tous conservateurs-restaurateurs qui se respectent, à la lecture d’une signature, on sort le Benezit. On cherche, et on trouve ! La signature est bien celle de Charles Cottet.
Les opérations de conservation-restauration se déroulent. Le décrassage puis l’allègement du vernis oxydé permettent de découvrir le travail de coloriste de l’artiste.

 

Charles Cottet, un peintre présent dans de nombreux musées français.

Les recherches se poursuivent en parallèle du nettoyage du tableau. L’Atelier redécouvre la production de Charles Cottet. L’artiste a peint de nombreux paysages. Ces derniers sont par exemples conservés au Musée d’Orsay (Au Pays de la mer, 1898) et au Musée des Beaux-arts de Bordeaux (Le vieux pêcheur à Douarnenez, 1895)
Notre tableau s’inscrit dans sa période bretonne. Car uen fois nettoyé tout prend sens. Les deux personnages au centre (père et fils ?) sont encadrés par un groupe aux visages plus petits et moins lumineux. Grâce à ces deux effets, le peintre met en place une succession de plans qui nous permettent de comprendre que les personnages sont alignés dans une église. L’édifice n’est que suggéré à l’arrière plan grâce à la présence d’une station de chemin de croix. Charles Cottet a executé à plusieurs reprises des scènes religieuses bretonnes tel que  “Femmes de Plougastel au pardon de Sainte-Anne-La-Palud” conservé au Musée des Beaux-arts de Rennes. L’attribution de notre petite huile sur carton à Charles Cottet ne fait donc plus aucun doute.

 

Histoire de famille.

Comment cette oeuvre est-elle arrivée dans une collection privée ? Et bien s’est encore une histoire d’artiste fauché !

“Mon grand-père paternel est né à la fin du XIXe siècle et habitait dans le XIVe arrondissement de Paris où est décédé notre peintre. Je pense que c’est là qu’ils se sont rencontrés, alors que mon grand-père était expert comptable. L’artiste lui a donné le tableau en réglement”.

Et puis l’oeuvre s’est transmise de générations en générations. C’est ainsi que ce groupe de bretons voyagent depuis entre Paris et le Berry !